Semoir auto-construit : Partie 1 - L’expérience de Stéphane Matry

Roméo Vezo & Baptiste Duhamel
9/5/2022
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Semoir auto-construit : Partie 1 - L’expérience de Stéphane MatrySemoir auto-construit : Partie 1 - L’expérience de Stéphane Matry


Aujourd’hui dans L’Agronomie & Nous, on va revenir sur l’expérience de Stéphane Matry, membre AgroLeague installé dans la Marne qui a auto-construit son semoir. Historiquement en polyculture élevage ovin, il a arrêté l’élevage pour se concentrer sur ses cultures dans un modèle simplifié. Pourquoi auto-construire son semoir ? Comment l’adapter à ses conditions et à ses pratiques ? Quelles problématiques a-t-il rencontré ? Comment s’est il adapté et quels résultats a-t-il obtenu ? Ce sont des questions que se posent nombre d’agriculteurs qui pensent très sérieusement à changer leurs méthodes culturales mais qui peuvent parfois être bloqués par le coût d’investissement du matériel. 


Stéphane, peux-tu nous réexpliquer l’histoire de ton semoir ? Pourquoi construire ton propre outil ? 

“Pour expliquer l’histoire de mon outil, il faut avant tout partir de mes conditions locales et de mes pratiques. Je suis en système conventionnel à tendance simplifiée. Je ne suis pas dogmatique, je m’adapte en fonction des besoins de l’instant. Je ne m’interdis pas de labourer quand ça apparaît comme la solution la plus simple, plutôt que de m’entêter d’attendre que ça sèche pour semer. En Champagne-Ardenne, je n’ai pas besoin de prendre la route pour aller aux parcelles donc j’avais moins cette contrainte réglementaire. 

La première réflexion est donc celle de la polyvalence. Un semoir unique passe bien dans certaines conditions et peut-être moins bien dans d’autres. J’ai essayé plusieurs modèles de semoirs, j’ai vu qu’il y avait des choses qui convenaient à mon système et d’autres qui n’allaient pas. Le matériel ne répondait pas à toutes mes attentes. Et à moins d’avoir une certaine surface, il est difficile financièrement d’avoir 2 semoirs sur son exploitation.

La deuxième réflexion est celle du coût d’investissement. Il faut qu’il soit proportionnel à l’utilisation que l’on va en faire. 

De plus, j’avais en tête de faire de la fertilisation localisée sur la ligne de semis. Mon but était de réduire les charges d’engrais, d’être au plus près des besoins nutritifs de mes cultures. Si la plante est bien nourrie dès le départ, elle démarre bien et se porte mieux. 

Tout ça, ça a été ma réflexion avant de me lancer. Ça fait 13 ans que je suis installé et 7 ans que je cogite. Je bricole beaucoup. Comme je ne trouvais pas ce que je voulais, je me suis dis que j’allais construire mon propre semoir.”


Comment as-tu construit ton semoir ? 

“J’ai commencé à regarder le matériel d’occasion car il me fallait une base pour démarrer. Je regardais donc ce qui se faisait en barre de semis. J’ai des sols argilo-calcaires superficiels avec un peu de relief. Des fonds de vallée plus argileux et des buttes de craie avec beaucoup de calcaire. La particularité est qu’il faut garder un relief légèrement ondulé pour protéger les céréales du vent glacial. Les disques doivent être sur la même ligne de semis pour ne pas avoir de recouvrement de semences.

J’ai acheté d’occasion un semoir Amazone avec la barre de semis Rotech, une rampe à disque avec la roulette en caoutchouc. C’est comme le semoir mono-graine, avec la roue à côté du disque pour ne pas avoir de variation sur la profondeur de semis. Normalement sur Amazone, les disques sont en quinconce, il y a un bras court et un bras long. Le modèle que j’ai trouvé avait été  adapté par une concession qui a mis les bras courts ensemble et les bras longs ensemble pour être sur la même ligne de semis. Et il n’y a plus le problème de recouvrement des lignes de semis devant par la rangée de derrière dû à notre type de terre. Aujourd’hui, on peut semer dans toutes conditions. Je n’ai jamais bourré la barre. Ce sont des petites adaptations qui ont de bons résultats.

Tout le reste vient se greffer sur cette base. Je ne voulais pas de trémie frontale, j’ai donc posé la trémie du semoir sur le châssis d’un épandeur à fumier, puis j’y ai ajouté une cuve d’engrais liquide et une cuve de distributeur d’engrais solide Amazone que j’avais dans le fond dans mon atelier, compartimentée en 2.  

La polyvalence de l’outil devait être optimum en fonction des saisons, pour cela j’ai greffé un attelage 3 points de tracteur sur le châssis d’épandeur pour pouvoir mettre différents outils à l’arrière en fonction des besoins.

Aujourd’hui, je peux tout y atteler mais j’ai construit que 3 types de matériel pour l’instant :

  • Semoir à dents sur une base de déchaumeur pour les couverts.
  • Barre de semis céréales (avec adaptation d’un rouleau pour semer sur une terre travaillée) : pour céréales et luzerne.
  • Strip-till avec semoir monograine 12 rangs : pour betterave et colza.

Aujourd’hui j’ai 3 trémies, avec un entraînement mécanique, ça reste totalement modifiable en ajoutant des pignons et une chaîne et pourquoi pas une quatrième trémie pour appliquer du soufre dans la ligne de semis par exemple. 

J’ai commencé la construction en décembre 2019. Je m’en suis occupé tout l’hiver, et j’ai fait mon premier semis début mai. J’ai rajouté la deuxième trémie pendant l’été avec les doseurs. J’ai fait tous mes semis d’automne avec.”


Pourquoi le strip-till ?

“La réflexion du strip-till était liée à 2 contraintes :

  • La sécheresse : je voulais trouver une solution pas trop chère pour semer du colza en direct, sans investir dans du matériel.
  • La fertilisation localisée sur la ligne de semis : après une expérience réussie (visuellement), je me suis dit que ça marchait pour booster le démarrage. 
  • Optimiser les développements de pivots des betteraves et colzas. 

J’avais déjà eu une expérience avec un décompacteur à lame courbe (type dent Michel) que j’avais modifié (écartement des dents, élargissement du bâti). Je m’en servais souvent pour reprendre les dépôts de fumier. J’ai cherché une dent, mais je n’en trouvais pas qui soit adapté à ce que je cherchais car elles étaient trop grosses. Alors j’ai eu l’idée d’essayer avec un soc de charrue, et je me suis aperçu que ça fendait la terre, sans la bouleverser. Le soc pousse la terre et crée une micro-fissure.

Après cette expérience du décompacteur, j’ai voulu faire quelque chose d’assez similaire. J’ai fait un prototype avec une simple dent derrière, des disques de semoir Nodet. J’ai mis mon soc de charrue derrière. J’ai testé plusieurs profondeurs. Ça fendait bien la terre. J’ai confirmé l’expérience et j’ai commencé la conception du strip-till.

Au départ, j’avais fait un essai profond, j’ai eu peur que ma graine de colza tombe au fond du sillon. J’ai remonté mes dents pour que ça ne gratte la surface que sur 3/4cm. Le résultat a été similaire au niveau de la levée. On dit qu’il ne faut pas travailler trop profond pour éviter que la graine de colza ne tombe, mais avec ce concept ça fonctionne. 

J’ai commencé la conception la dernière semaine d’août, et la premi��re semaine de septembre je semais les colzas. Au printemps, je vais le ressortir et je vais passer dans les couverts.”



Tu t’en sers sur toutes les cultures ?

“Mon outil n’est pas un strip-till tel qu’on peut le trouver dans le commerce. C’est le même concept (disque 1 dent + roulette de rappui) mais ce n’est pas un vrai strip-till dans le sens que je n’ai pas de parallélogramme. J’ai construit quelque chose de simple, qui convient très bien pour mes sols. Là où ça pourrait coincer, c’est dans un sol avec beaucoup de cailloux par exemple.”


Coût de fabrication ?

“Le strip-till et semoir m’ont coûté en gros 3 fois moins cher que l’équivalent dans le commerce.” 


Coût d’implantation ? 

“Pour l’implantation du colza, je ne passe qu’une fois. Je suis à 15 L/ha de carburant. 

Pour comparaison, sur un labour je suis à 17 L/ha, juste pour le labour. Ensuite, 15 L/ha pour préparation de sol plus 15 L/ha pour le semis. Ça fait 50 L/ha en tout. J’ai donc divisé le coût par plus de 3, sans parler du gain de temps !”



Conclusion 

Quand on achète une machine dans le commerce, on utilise qu’une partie des fonctionnalités proposées par le constructeur. Ce qui est bien avec l’auto-construction, c’est qu’on va à l’essentiel de nos besoins, puis on améliore. On choisit les fonctionnalités que l’on souhaite en fonction de son propre système.

Nombre d’agriculteurs sont confrontés à ce problème. Les constructeurs commencent à le prendre en compte car les agriculteurs ont besoin de cette polyvalence sur leur système. 

Il faut tout de même préciser que l’auto-construction doit prendre en compte la partie règlementaire. Dans le cas de Stéphane, il a pu construire ce semoir car il n’a pas de problème de voirie. S’il devait passer par la route pour aller à ses parcelles, il n’aurait pas construit ce type de semoir. Il ne faut pas mettre de côté la partie sécuritaire. 


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