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Pour se développer, la plante a besoin d’eau, de soleil et d’éléments minéraux (macro et oligo éléments) qu’elle prélève dans l’air via ses feuilles et dans le sol via ses racines. Au même titre que l’azote, le phosphore, le potassium, le calcium et le magnésium, le soufre est classé dans les macro éléments, indispensables à la productivité et à la qualité des cultures.
Jusqu’aux années 1990, les dépôts atmosphériques dus à la pollution de l’air couvraient les besoins en soufre des cultures par les phénomènes de pluies acides. Depuis, l’épuration des fumées a fait retomber le taux de soufre dans l’atmosphère à un niveau qui ne répond plus à ces besoins.
Quelles sont les fonctions du soufre dans le processus de production agricole ? Quels sont les effets quantitatifs et qualitatifs d’un apport de soufre sur les grandes cultures ? Anthony Frison, agriculteur dans le Loiret et agronome chez AgroLeague, nous parle de l’intérêt de bien supplémenter ses cultures en soufre.
Intérêt de la fertilisation soufrée
Environ 90 à 96% de la matière sèche des plantes est composée de carbone, hydrogène et d’oxygène. Le reste est réparti entre les macro et les oligo-éléments. Parmi eux, le soufre représente 0,1 à 0,5% de la matière sèche selon les cultures.
Le soufre est un élément indispensable à la vie car c’est un constituant de 3 acides aminés essentiels (méthionine, cystéine et homocystéine) que l’homme ne peut synthétiser. Ses fonctions sont multiples : c’est un composant des chloroplastes, il active les enzymes dans les processus biochimiques pour la fabrication d’énergie, d’acides gras et de métabolites secondaires d’autodéfense tels que les glucosinolates. Il favorise également le processus de fixation symbiotique, notamment pour permettre aux légumineuses de capter l’azote de l’air via les nodosités.
Pour comprendre la nécessité d’avoir une gestion correcte de la fertilisation soufrée, il faut d’abord bien concevoir le cycle du soufre dans le sol.
La forme préférentielle d’assimilation du soufre par les cultures est l'ion sulfate (SO42-). Le sulfate, tout comme le nitrate (NO3-), est chargé négativement, donc est lessivable. Dans le sol, le complexe argilo-humique, également chargé négativement, ne peut retenir cet ion en cas de forte pluviométrie. La majeure partie du soufre du sol se trouve sous des formes organiques, donc non directement utilisables par les racines. Il le devient par le processus de minéralisation, qui permet de le transformer en sulfate.
Quelles sont les cultures les plus exigeantes en soufre ?
Avant tout, les crucifères telles que le colza, la moutarde et les plantes à bulbe (oignon, ail). On compte un rapport Stotal/Ntotal d’environ 5 pour 1 pour les crucifères, 8 pour 1 pour les légumineuses et 10 pour 1 pour les céréales.
Les besoins au cours de l’année ont plutôt lieu après la floraison. Sur céréales et sur colza, le pic de besoins en soufre arrive à la formation du grain vers mai-juin. En pomme de terre et betterave, en juillet-août. La minéralisation opère en présence de chaleur et d’humidité, donc en fin de printemps. Il peut donc y avoir un décalage qui se crée entre la disponibilité du soufre et les besoins des cultures. D’où l’idée de fertiliser en soufre à la sortie de l’hiver et avant le stade épi 1 cm pour pouvoir supplémenter ce manque de fourniture par le sol.
Des mesures de Terres Inovia ont montré qu’une carence en soufre peut avoir un impact sur le rendement de l’ordre de 10 à 20 qx/ha en colza. Le seuil plancher se situe à 75 unités de sulfate/ha sur du colza, au-delà de quoi on ne constate pas d’augmentation de rendement. À 25 unités/ha de sulfate, les résultats montrent une baisse de 10 qx/ha.
Les besoins dépendent du type de culture. Ils sont de l’ordre de 75 unités/ha/an de soufre sous forme assimilable en colza. En blé, on est autour de 40 unités/ha/an. Il existe un outil d’Arvalis d’aide à la décision basé sur 4 critères : type de sol, pluviométrie, apports organiques, apports minéraux pour aider la prise de décision de la fertilisation en soufre.
Quelles sont les formes de soufre ?
Il existe le sulfate (SO4-), le thiosulfate (S2O32-) et le soufre élémentaire (S). Les 2 derniers nécessitent une oxydation par les micro-organismes du sol pour les rendre assimilables par les plantes.
Autres types d’apport soufrés :
- Amendement à base de gypse : sulfate de calcium CaSO4;
- Soufre micronisé : microthiol utilisable en protection des cultures contre les maladies fongiques;
- Sulfate de potassium type super phosphate 18 ou 25;
- Engrais azoté soufré : ammonitrate avec du gypse (sulfate de calcium);
- Sulfate d’ammoniac.
Ces apports sont à raisonner en fonction des caractéristiques de son sol. Un ammonitrate soufré ne va pas faire varier le pH du sol tandis que le sulfate d’ammoniac lui va acidifier le sol, donc à privilégier en plutôt en sol alcalin.
Point sur le soufre élémentaire
Il est intéressant de le prendre en compte dans une approche plus globale sur la ferme.
Le soufre élémentaire peut être considéré comme un amendement : un apport qui doit être visé sur le long terme. Les micro-organismes oxydent le soufre pour le rendre bio disponible pour la plante sous forme sulfate. Plus un sol est vivant, plus on va avoir un apport régulier de sulfate assimilable. L’idée est d’en rapporter à chaque semis proche des racines pour que l’activité biologique le transforme au bon moment pour la plante.
Lorsqu’il est oxydé, une acidification locale se crée au niveau des racines. En sol pH alcalin (>8) cela peut être intéressant pour mettre en solution des éléments minéraux comme le phosphore qui sont bloqués par le pH.
Un équilibre se crée dans le sol entre l’azote, le soufre et le carbone. On compte un rapport de 300 C/10 unités de N/1 unité de S. Des carences en soufre peuvent entraîner une perte de carbone, ce qui peut perturber cet équilibre et ralentir le projet d’augmenter son taux de matière organique.
Quels couverts choisir pour rapporter du soufre aux cultures suivantes ?
J’ai mis en place des essais en 2017 pour quantifier la capacité des couverts végétaux à prélever les éléments minéraux d’un sol pour les restituer à la culture suivante.
J’ai semé en direct 15 modalités de couverts végétaux sur des bandes de 4 m de large sur lesquelles j’ai fait des prélèvements foliaires que j’ai couplés avec la mesure de la biomasse aérienne. L’objectif était de mettre des chiffres concrets sur la capacité de prélèvements des éléments minéraux par les différents couverts.
L’espèce qui arrive en tête est le radis chinois. Sur 6 tonnes de matière sèche, il a capté 55 unités de soufre. Ensuite viennent les crucifères (25 u/ha de soufre soit 75 unités de sulfates) puis la féverole et la vesce avec une dizaine d’unités de soufre/ha.
Le mot de la fin
Aujourd’hui, je vois le soufre comme un amendement de fond avec des apports de soufre élémentaire que je supplémente en sulfate directement assimilable sur les cultures et sur les couverts afin de redresser la biodisponibilité de S dans le sol.
On remarque qu’il y a une vraie synergie entre le soufre et l’azote. Si on veut augmenter l’efficience de l’N, on ne doit pas négliger la fertilisation soufrée. Pour cela, les systèmes d’élevage sont mieux placés. Avoir un apport régulier de matière organique fraîche ou compostée permet d’avoir une progressivité des apports en sulfate dans le sol.
Les couverts sont de vraies usines de recyclage qui limitent les pertes d’éléments nutritifs et les remettent à disposition pour la culture suivante. Un beau couvert végétal va éviter le lessivage de l’azote et du soufre. Les quantités réelles d’éléments nutritifs qui seront restituées dépendent d’une multitude de facteurs : conditions pédoclimatiques, pratiques culturales, mode de destruction du couvert. Pour l’azote, on peut considérer que 30 à 40% seront restitués dans les 6 mois suivant la destruction du couvert, en est-il pareil pour le soufre ?
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