Les graminées adventives, une aide au pilotage agronomique ? L’approche de Sylvain Trommenschlager

Sylvain Trommenschlager est basé dans l’est et fort de dizaines d'années d'expérience sur le terrain, il est spécialiste des équilibres sol-plante. Sylvain a développé une approche originale, inspirée des travaux de Gérard Ducerf sur les plantes bio-indicatrices, qui permet d’utiliser les adventices graminées comme bio-indicateurs en grandes cultures et/ou polycultures élevage, et en particulier dans les rotations céréalières. L’idée est d’adopter un regard différent sur ces adventices et d’apporter des voies alternatives à ceux qui connaissent des échecs avec les techniques classiques de lutte (rotation, semis tardifs, faux semis, …) pour inhiber la pression des graminées.
Un bio-indicateur est un indicateur constitué par une espèce végétale, animale, fongique (ou un groupement d’espèces) dont la présence renseigne sur certaines caractéristiques physico-chimiques, pédologiques, microclimatiques, biologiques ou fonctionnelles de l'environnement où il se trouve ou sur l'incidence de certaines pratiques. Le focus se fera sur 3 espèces : vulpin, ray grass et brome.
Vouloir épuiser le stock semencier d’une adventice par des pratiques culturales n’est pas envisageable. L’idée est avant tout de connaître les conditions de levée de dormance de ces plantes pour pouvoir affiner le programme désherbage via d’autres stratégies. Avec des analyses de sol, il est possible d’apporter les corrections nécessaires sur les problèmes d’alimentation, un redressement de fertilité pour retrouver des efficacités désherbage qu’on avait perdu via le développement de résistances.
L’appréhension du niveau de risque est essentielle dans cette approche (pieds de graminées adventives par m2). On considère que le nombre de pieds de ces adventices au m2 traduit :
- 0 à 20 pieds/m2 —> un niveau de pression où le désherbage va fonctionner.
- 20 à 100 pieds/m2 —> une gestion encore possible.
- +100 pieds/m2 —> un redressement nécéssaire au niveau du sol.
Le vulpin possède 3 principales conditions de levée de dormance :
Un apport carbonate de calcium va permettre de contrecarrer les excès de magnésium et de lever les anaérobioses.
Les chaux, produits cuits, sont un très bon moyen d’agir sur les pH mais ne permettent pas aux bactéries de se nicher dessus. Elles ont tendance à accentuer les anaérobioses et n’ont pas d’effet structurant aussi puissant que les carbonates à très haut dosage sur les ronds de vulpin.
Le carbonate CaCO3 (produit cru) a des aspérités sur lesquelles les bactéries peuvent se développer.
Les scories possèdent une forme de carbonate différente, le silicocarbonate (riche en silice), qui crée également des conditions hostiles au vulpin.
Dans ce cadre, des premiers résultats de l’usage de gypse pour diminuer la pression vulpin et retrouver des niveaux d’efficacité de désherbage ont été concluants. Dans ce cas particulier, cette méthode a permis de passer d’une pression de départ de 700 vulpins/m2 à une fourchette comprise entre 20 et 40 vulpins/m2.
Deux facteurs de levée de dormance du ray grass et leurs indications :
À court terme, un apport de magnésium peut être envisagé pour lutter contre la problématique ray grass. À plus long terme, l’apport de carbonates créera des conditions favorables pour faciliter l’action des vers de terre.
Le brome quant à lui n’a pas de dormance. Il annonce les sols prêts à passer en système forestier : avec humus très stable, des carences en potassium (sous alimentation) et un manque d’azote. Il est important de souligner l’intérêt des analyses de sol AgroLeague car il nous permet de caractériser le type de matière organique présente et comment elle évolue (vers un système forestier ou plus céréalier). Sylvain souligne « qu’en grandes cultures (cultures annuelles), on empêche le sol de « régresser », de se démunir de sa bonne matière organique et empêcher de basculer vers un système forestier qui lui, est fait pour être récolté tous les 30 à 100 ans. La matière organique des systèmes forestiers n’est pas adaptée à la grande culture. C’est là qu’il ne faut pas se tromper en agriculture de conservation. »
Les vulpins ou ray grass résistants s’imposent dans les milieux ultra favorables, pour continuer de « corriger ». Une réflexion menée avec des agronomes brésiliens, confrontés aux problèmes de résistance, a conduit à penser une stratégie basée sur l’hypothèse suivante « rien de mieux qu’une graminée pour lutter contre les graminées », à combiner à un redressement parallèle dans les champs avec une intégration dans un plan pour tenir dans des coûts de production cohérents (discussion à avoir l’agronome).
Par exemple, la mise en place d’un couvert de ray grass italien peut être pertinent dans cette stratégie de désherbage, surtout en élevage ou en projet de méthanisation. « Le ray grass italien est l’ennemi juré du vulpin » nous dit Sylvain Trommenschlager. Celui-ci, très sensible à de nombreux herbicides, aura du mal à s’installer. Dans des champs de vulpins, des essais de couverts de ray grass italien récoltés sur des inter cultures rapides avec des blés semés en direct ont permis de faire basculer la pression vulpin à
Contre les phénomènes de résistance du ray grass sauvage, semer un couvert de ray grass italien peut permettre d’accompagner le sol dans la phase de restructuration. À combiner avec un apport de carbonate de magnésium pour relever le niveau (1 à 2 t/ha). Les premiers essais ont induit une baisse du niveau de risque de 70 ray grass/m2 à 35/m2.
C'est pour nous l’occasion de faire le lien avec le prochain article qui portera sur la compréhension des phénomènes de résistances et comment les contourner.