Le semis nature, une technique à part entière - avec Noël Deneuville

Loan Wacker
Responsable du contenu agronomique
ACS
9/5/2022
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Le semis nature, une technique à part entière - avec Noël DeneuvilleLe semis nature, une technique à part entière - avec Noël Deneuville

Le semis « nature » consiste à déposer des graines en surface dans un couvert ou dans une culture en place. C’est un type particulier de semis à la volée sans travail du sol. L'approche paraît simple, économique et rapide mais elle reste opportuniste et nécessite des conditions particulières pour assurer un bon développement de la plante.

Noël Deneuville est agriculteur dans la Nièvre (58) et membre AgroLeague, proche de la ville de Nevers. ACiste convaincu, il pratique le semis direct sous couvert vivant sur sa ferme depuis 20 ans. Noël a découvert cette approche avec Lucien Seguy lors de leurs voyages en Amérique du Sud. Les argentins appellent ce mode d'implantation le "semis aérien", et ont pour habitude de déposer les graines fourragères en avion ou à l'aide d'épandeurs à engrais pneumatiques, dans les maïs ou les sojas en phase de maturation pour implanter des cultures fourragères utilisées pour nourrir le bétail. La graine arrive donc au sol par les airs, comme bien souvent dans la nature. 

Quels critères sont à prendre en compte pour appréhender le semis nature ? Quelles espèces sont les plus adaptées et comment les implanter ? Dans L'Agronomie & Nous, Noël nous parle de son retour d’expérience sur cette technique de semis.

L’intérêt du semis nature 

Le semis nature, c’est un semis à la volée sans travail du sol. La technique imite la nature : quand les plantes développent leurs graines, elles tombent au sol et germent.  L’avantage principal est de pouvoir implanter une culture ou un couvert en avance par rapport à un semis post moisson : 

  • Implantation d’un couvert multi-espèces dans une céréales 1 mois avant la récolte.
  • Implantation d’un couvert avant la récolte d’un maïs pour garantir son implantation dans de bonnes conditions.

“Semer dans une culture en place permet un gain de temps comparé à si on devait attendre la récolte pour semer. L’objectif est de réduire au maximum les coûts d’implantation et d’optimiser le développement des couverts, voire d’aller vers une double récolte annuelle”. 

3 conditions pour réussir un semis nature :

Un sol vivant

Le premier critère pour pouvoir implémenter cette technique dans de bonnes conditions est d’avoir un sol qui va être capable d'accueillir cette pratique. Le semis nature ne se réussit que sur un sol vivant. Si le sol est croûté, sans présence de résidus ou sans activité biologique qui va incorporer la graine au sol, il n’y a aucune chance que les graines déposées à la surface lèvent.

“Ce qui fait fonctionner le semis direct, c’est la couverture du sol. Je rajouterais même un 4ème principe qui est de ramener un maximum de matière organique au sol. Nourrir et protéger le sol“.

De l’eau

Le deuxième facteur limitant est l’eau, une problématique récurrente en France et surtout ces dernières années. 

“À l’automne, on se dirige vers des périodes pluvieuses donc on a rarement loupé un semis nature dans des cultures de printemps. À l’approche de l’été, c’est plus délicat. Si on a de l’irrigation, c’est plus simple“.

Semer au moment où la culture laisse passer la lumière 

"Par exemple, pour semer dans une céréale, il faut attendre que les premières feuilles commencent à jaunir (environ un mois avant la récolte). On sème dès qu’on sent que la lumière arrive au sol. Si on attend trop, le sol peut se dessécher."

Il faut bien préciser que le semis nature est un semis opportuniste : on le fait quand les conditions sont réunies. Il ne faut pas être dogmatique. 

Quelles espèces sont adaptées au semis nature ? 

La première contrainte est matérielle. 

“L’équipement est important. La plupart des exploitations agricoles sont équipées d’un épandeur à engrais centrifuge. Cet outil fonctionne bien pour les graines lourdes (blé, soja) mais n’est pas performant pour les petites graines (colza, millet, tournesol). Nous avons essayé de travailler sur l’enrobage de semence afin d’alourdir les graines. La technique consiste à créer des boulettes de graines avec de la mélasse et de l'argile à l’aide d'une bétonnière, puis de sécher le tout afin d’en faciliter la distribution. Les petites graines se collent aux plus grosses et à l'argile, améliorant la rétention en eau dans l'environnement proche de la graine. Cela fonctionne bien sur des petites surfaces, mais le processus est trop chronophage pour l’implémenter à plus grande échelle. Je me suis donc équipé d’un épandeur pneumatique pour pallier ce problème."

“Pour semer le couvert dans le maïs, je suis équipé d’un « enjambeur ». Je sème mes mélanges lorsque  le maïs commence à jaunir. S’il fait sec, les graines restent au sol et vont germer dès que la pluie arrive. Dans ce cas, mieux vaut éviter de broyer les cannes sous le cueilleur. Laisser les cannes droites permet de faciliter leur germination."

La deuxième contrainte est la disponibilité en eau, et également liée au calibre des graines. 

“Pour les semis avant l'été on favorise des petites graines qui germent mieux sur un sol non travaillé. Les graines angulaires comme le sarrasin ont tendance à mieux rentrer dans les interstices du sol et à bien lever. On évite les graminées et les grosses graines. À l’automne, on va vers des périodes de pluies. On peut se permettre de semer de plus grosses graines : céréales avec un peu de légumineuses. Quand la culture de printemps est récoltée, le couvert est en place“.

Comment as-tu adapté ton itinéraire cultural ?

“J’ai revendu ma charrue pour investir dans un trieur et un séchoir afin d’assurer une bonne conservation des graines. Je consacre 5 à 10% de ma surface à la production de graines. Les semences sont le premier poste de dépense donc il est important de les produire soi-même ou de les échanger avec d’autres agriculteurs". 

“En semis nature, on ne travaille pas le sol et on le garde toujours couvert, cela a tendance à réduire la levée de dormance des adventices. Si on ne sème rien à ce moment-là, les adventices lèvent, et ce, malgré les herbicides. J’ai donc une couverture végétale permanente du sol. Le premier levier, c’est la mise en place de couverts végétaux performants (au moins 2 t/ha de biomasse)“.

“Je ne mets plus d’insecticides ni d’anti-limaces. Je rajoute du colza dans les semis de céréales; du soja, colza, lin dans les semis de maïs afin. Ces plantes vont apporter de la nourriture aux ravageurs, puis disparaître après passage d’herbicide. Les limaces sont là, mais les prédateurs aussi, un équilibre écosystémique se crée."

“Lorsque l’on est en semis direct sous couverts végétaux, on a moins de lessivage d’azote. Les couverts sont de vraies usines de recyclage qui limitent les pertes d’éléments nutritifs et les remettent à disposition pour la culture suivante“. 

“En général, on peut observer une perte au moment de la germination. Il est donc important de majorer la dose de semis d’environ 30 à 50%, comparé à un semis classique pour compenser ces pertes“.

Conclusion 

Le semis nature ne se réussit que sur un sol vivant, en présence d’eau et de lumière. 

C’est une technique opportuniste mais réfléchie. Elle doit être intégrée dans l’itinéraire technique pour se laisser la possibilité de la mettre en place, notamment au niveau des temps de rémanence des matières actives dans le sol.

C’est de l’opportunisme gagnant pour le développement de couverts végétaux et/ou en vue d’une double récolte. Les résultats sont encourageants. L’idée est d’arriver à produire à moindre coût, tout en conservant son capital sol et en respectant son écosystème. 


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