Fertilisation minérale et fixation naturelle (biologique) d'azote sont antagonistes

Synthèse d’un article publié par la chercheuse Australienne Christine Jones, mise à l’honneur plusieurs fois déjà dans “L’Agronomie et nous”. L’article entier est disponible en anglais sur son blog “amazing carbon” sous le titre “Nitrogen, the doubled edged sword”. Les publications scientifiques “The Myth of Nitrogen Fertilization for Soil Carbon Sequestration” rédigée par S. Khan et “Atmospheric nitrogen fixation by lightning” rédigée par RD Hill et RG Rinker sont également intégrées.
L’azote est partout dans le vivant. Il est à la base de la composition de l’ADN et des protéines.
Avant la révolution industrielle, 97% de l’azote mondial était fixé biologiquement. Aujourd’hui plus que 65% de l’azote est fixé biologiquement. Le marché de l’azote minéral représente 100 milliards de dollars par an.
Seulement 10 à 40% de cet azote est absorbé par la plante. Les 60 à 90% restant sont lixiviés et par endroit posent des problèmes de pollution des eaux. Par exemple, aux Etats-Unis, le coût de traitement de l’eau pour retirer les nitrates est de 4,8 milliards de dollars par an.
On a longtemps cru que l’ajout d’azote minéral permettait de rééquilibrer le ratio C/N du sol et donc de produire de la matière organique stable. Et ce, surtout quand l’on enfouit les résidus de cultures.
L’azote est présent à 80% sous forme de diazote dans l’atmosphère. Mais cette forme n’est pas assimilable par la plante. Il doit d’abord être transformé (réduit).
Les trois manières principales de réduire le diazote sont :
Dans un sol vivant, l’azote fixé par les bactéries (l’azote apporté sous forme minérale aussi) est rapidement complexé en acides aminés et en acides humiques, ce qui prévient de la lixiviation. Cette transformation de l’azote nécessite également du carbone.
Comme nous l’avons vu lors du précédent article sur les bactéries rhizophages, les bactéries en symbiose avec les légumineuses ne sont pas les seules à pouvoir fixer de l’azote. Il existe beaucoup d’autres micro-organismes capables de fixer l’azote. Pour cela, il faut que les micro-organismes puissent être nourris (avec du carbone liquide), et soient dans des conditions particulières.
Les macro-agrégats mesurent entre 2 et 5 mm, ils se forment notamment autour des racines. Dans ces agrégats le taux d’humidité et de carbone liquide est plus important tandis que le taux d’oxygène est plus faible. C’est dans ces conditions que les bactéries peuvent fixer de l’azote.
Les mycorhizes ont encore une fois un rôle majeur à jouer. Elles transfèrent le carbone liquide de la plante vers le sol pour permettre la formation d’humus stable et la nutrition des bactéries fixatrices d’azote. Les mycorhizes produisent aussi de la glomaline. Une molécule qui stabilise les agrégats.
Il y a un hic… Comme nous l’avons vu la présence de mycorhize est un maillon essentiel à la fixation d’azote par les bactéries. Or, la colonisation par les mycorhizes est faible quand de fortes quantités d’azote minéral sont présentes dans le sol, et nulle quand il n’y a pas de plantes au dessus de la surface du sol. Cet antagonisme est encore plus marqué avec les apports de phosphore.
Sur une parcelle agricole fertilisée et laissée à nue une partie de l’année, les mycorhizes ne peuvent pas se développer. Les agrégats se désagrègent, les bactéries susceptibles de fixer de l’azote ne sont plus nourries. il n’y a pas de recyclage des nutriments et 1 ha peut perdre jusqu’à 80 U de N par dénitrification en un été. C’est un cercle vicieux.
Il est essentiel de “sevrer le sol” progressivement. Christine Jones parle de réduire de 20% les apports d’azote minéral dès la première année ou les 4 principes sont appliqués. Chez AgroLeague, nous nous appuyons sur les analyses de sol AgroLeague pour piloter la réduction d’azote.