Limiter les dégâts sur la structure du sol

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Bien comprendre comment s’opère le tassement du sol

Une bonne structure de sol voit la moitié de son volume occupé par des pores, qui servent à la circulation de l’air et de l’eau et facilitent l’enracinement des plantes.

Quel est l’impact du tassement ?

La pression exercée par les passages d’engins dans les parcelles agricoles entraîne un phénomène de tassement, qui correspond à la diminution de ce volume de porosité :

  • Ce tassement impacte la capacité d’infiltration de l’eau et de l’air, la facilité de pénétration des racines dans le sol et le bon fonctionnement de l’activité biologique.
  • Des expérimentations menées par Arvalis sur 5 ans ont montré une corrélation significative entre l’impact du tassement créé par des passages successifs d’engins et le rendement de différentes cultures. Les baisses de rendement ont été de 5 à 30% pour toutes les modalités, indépendamment de la culture ou du système (sec ou irrigué).
  • Cela démontre que prévenir le tassement du sol, en particulier lors de la récolte, est un enjeu majeur pour la fertilité des sols.
Impact de la compaction du sol sur le maïs (source : Precision Planting)

Publication de Precision Planting montrant l’impact de la compaction sur le rang pour un maïs semé à la même date :

  • Le petit pied produira 70 à 80% de moins.
  • L’humidité est irrégulière au sein de la même parcelle et la pression sur les éléments semeurs est parfois trop importante.

Comment le mesurer ?

La pression appliquée au sol, exprimée en kPa (kilo Pascal), est fonction du poids sur chaque roue et de la surface de contact du pneu au sol. Elle varie également selon la pression de gonflage du pneu (un pneu moins gonflé a une surface de contact au sol qui augmente du fait l'écrasement du pneumatique, donc une contrainte au sol qui diminue) :

  • Un tracteur léger (<150 CV) avec des roues étroites va exercer une contrainte au sol de 50 kPa, contre 40 kPa pour un tracteur plus lourd (>150 CV) avec des roues larges. Cela montre comment la surface de contact des pneumatiques influe sur la contrainte au sol.
  • Une moissonneuse avec une trémie pleine exerce une contrainte au sol de 120 kPa, soit 3 fois supérieure à celle d’un tracteur lourd avec des pneus larges.

L’impact sur le sol est fonction de cet aspect mécanique (contrainte au sol) et des caractéristiques du sol (texture, humidité, résistance mécanique). Concernant l’humidité, on parle de capacité au champ pour définir le seuil où l’on peut passer avec des engins dans les parcelles sans occasionner trop de dégâts sur la structure de sol. On peut considérer que ce seuil se situe à environ 22% d’humidité, au-delà de quoi l’impact sera profond (>25 cm) et sévère.

Comparaison de la contrainte au sol pour la même charge entre 2 largeurs de pneu (source : AGRO-TRANSFERT )

Le tassement superficiel (<10 cm), accentué par les passages successifs, est d’autant plus présent que le pneu est étroit et que la pression exercée est élevée :

  • Ceux-ci n’accentuent pas le tassement en profondeur, qui est opéré dès le premier passage.
  • Le tassement profond n’augmente pas avec la succession de passages, il dépend plus de l’humidité du sol et du poids total de la machine : plus le poids est lourd, plus le tassement sera profond dans le sol.

En agriculture, pas d’aspect législatif mais un bon sens paysan

Pour préserver les routes et les ouvrages d’art, la législation française limite les charges à :

  • Essieu seul : 13 tonnes
  • Véhicule à 2 essieux : 19 tonnes
  • Véhicule à 3 essieux : 26 tonnes
  • Véhicule à 4 essieux : 32 tonnes
  • Véhicule articulé / ensemble de véhicules à 4 essieux: 38 tonnes
  • Véhicule articulé / ensemble de véhicules à 5 essieux: 40/44 tonnes

⚠️ Cependant, aucune législation ne limite le poids des véhicules agricoles dans les champs. Selon Odette Ménard, agronome canadienne spécialiste des sols, la charge maximum admissible sans dégâts sur le sol est de 7 tonnes par essieu en conditions humides et de 10 tonnes par essieu en conditions sèches.

💡 Ces chiffres portent à la réflexion quand on sait qu’une moissonneuse chargée peut peser jusqu’à 30 tonnes. Il est impératif de prendre des mesures pour limiter les problématiques de tassement du sol, en particulier pour les agriculteurs dans une démarche de réduction du travail du sol.

Moisson du blé 2021 dans la Sarthe (72)

3. Quelques conseils des ACistes pour prévenir le tassement du sol

  • Contrôler le trafic dans le champ le plus possible :
  • Garder les camions en dehors du champ,
  • Essayer de vider à l‘arrêt en bout de champ plutôt qu’en marche,
  • Ne pas tourner dans le milieu du champ,
  • Suivre les mêmes traces que la moissonneuse-batteuse pour le transbordeur,
  • Établir un plan de transport pour le ravitailleur/les remorques et s’y tenir (dans ce cadre le CTF est intéressant : voir plus bas).
  • Ne pas remplir la trémie à fond (ni le ravitailleur) : visuellement on a tendance à vouloir passer qu’une seule fois pour faire moins d’ornières en surface. Mais en termes d’impact sur la structure du sol, il est plus judicieux de faire plusieurs passages avec une charge plus légère pour éviter le tassement profond, beaucoup plus délicat à récupérer que le tassement de surface.
  • Utiliser impérativement des pneus radiaux (qui répartissent mieux le poids), larges et à basse pression, en particulier si les conditions sont humides :
  • L’utilisation de pneus diagonaux est plus problématique car amortit moins la contrainte au sol.
  • Un pneu radial a une empreinte plus large et plus plate qui amortit plus.
  • À partir de 6 mètres de large, peut être envisagé le CTF (« controlled traffic farming » = système de guidage satellite).
  • Utilisée à grande échelle depuis la fin des années 90 en Australie, cette technique permet de limiter le compactage lié aux passages d’engins.
  • L’idée est de définir des voies de passage permanentes sur les parcelles en utilisant de grandes largeurs de travail et des pneus étroits afin de réduire au maximum la surface de circulation des machines.
  • Le CTF permet de réduire le tassement du sol à seulement 15 % de la surface, donc potentiellement peu de perte de potentiel global lié à cette problématique.
  • Le télégonflage permet de réduire la pression au sol :
  • Cette technologie permet d’adapter rapidement la pression du pneu selon l’opération culturale que l’on souhaite effectuer, sur la route ou dans les champs.
  • Cependant, cette option reste onéreuse et doit être utilisée à bon escient.
  • Utiliser des couverts végétaux pour maintenir et améliorer la structure :
  • Un tassement de surface (<20 cm) peut être corrigé par un travail du sol superficiel, contrairement à un tassement profond (>20-30 cm) qui ne peut être corrigé mécaniquement.
  • La présence de racines ainsi que l’action des vers de terre peuvent recréer une porosité, à condition d’être présents suffisamment longtemps sur la parcelle. De plus, la porosité créée par la biologie du sol est la plus résistante à la pression. En effet, les macropores créés par le labour sont peu connectés les uns aux autres et résistent mal aux aléas.
  • Au contraire, la microporosité favorisée par les pratiques d’agriculture de conservation possède une meilleure résilience et facilite la prospection racinaire.